lundi 27 juillet 2009

Cinéma bourguignon

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué mais si, dans un but politique, j'ai souvent parlé de littérature, de peinture et même parfois de musique il est un art auquel je n'ai jamais fait la moindre mention, fût-ce elliptiquement : c'est le cinéma. La raison en est très simple, la Bourgogne n'a pas donné naissance au moindre réalisateur, elle n'a jamais produit aucun film et n'a pas même réalisé le plus chétif court-métrage.
Dès lors de quoi pouvais-je parler ?
De rien ?
Autant se taire.
C'est ce que je fis jusqu'à aujourd'hui.
Et puis, grâce aux recommandations d'un lecteur, que je salue amicalement au passage je découvris que malgré l'absence de réalisateur, le cinéma de la Bourgogne libre existait bel et bien... en Angleterre !
Certes pour bien connaître le cinéma de la Bourgogne Libre de longues et laborieuses années d'études ne sont pas nécessaires puisque celui-ci ne se compose que d'un seul film, mais quel film : Passeport pour Pimlico !!

J'avoue avoir d'abord été sceptique en lisant le synopsis de ce film, et puis ma curiosité (auquelle je finis toujours par cèder) l'emporta, et peu à peu la méfiance cèda sa place à l'amusement, qui s'ecclipsa à son tour au profit de l'hilarité, elle même bientôt emportée par l'enthousiasme le plus débridé.
J'avais visionné un chef d'oeuvre !
C'est un film bidonnant et profond, qui contient à lui tout seul tout ce qu'ici j'ai cherché à exprimer.

L'histoire est assez simple. Tout se déroule à Pimlico, un quartier de Londres durement touché par les bombardements de la seconde guerre mondiale. Les habitants du quartier commencent à recontruire leur maison et tâchent de désarmer les dernières bombes que les Allemands ont négligemment oublié sur leur sol. L'une d'elle se trouve au fond d'un grand cratère, et tandis que des experts discutent sur les moyens de la faire sauter, une bande de gamins errants font rouler un pneu sur l'engin qui explose dans une formidable détonnation. Alors, au fond du cratère, les habitants font une incroyable découverte : une cave du XV° siècle, contenant les trésors d'un duc de Bourgogne.
Une vieille historienne, très sympathique, et toute acquise à la cause du duc, nous apprend que Charles le Téméraire ne serait pas mort à la bataille de Nancy mais qu'il serait parti vivre à Londres sous le nom de Maurice de Charolais (!!), et qu'il serait le propritétaire du quartier de Pimlico.
Au début les habitants se trouvent tout étonnés d'apprendre qu'ils sont Bourguignons. Bourguignons ? What is this ?
Et puis très vite ils voient tous les avantages que cela peut leur procurer, le banquier vire son propriètaire, la marchande d'habits exige une taxe d'importation, et surtout le trésor reste dans le quartier, et d'un seul coup, ça y est, tous les gens deviennent Bourguignons. Les enfants courent dans les rues, les gens se mettent à crier de joie "Burgundy ! Burgundy !". Là le film est épatant de gaieté. C'est le bonheur ! L'anarchie ! L'indépendance !
Naturellement tout le monde se retrouve le soir même au bar et fêtent dans la bière l'indépendance de la Bourgogne ! On enquille les binouses ! Les demis passent derrière toutes les cravates. On joue de la musique, on danse, les couples se forment dans un swing du tonnerre !
Soudain un flic apparait. Là on comprend tout de suite, il symbolise l'autorité de l'Angleterre. Il vient mettre fin au tapage nocturne. Là encore on assiste à une scène tout bonnement géniale, quand l'argousin demande ses papiers au propriètaire, celui-ci déchire sa carte d'identité. Bientôt tous les Bourguignons l'imitent et font un grand lancer de confettis avec leurs papiers et la fête reprend de plus belle ! Voila ce que j'appelle de la subversion ! Ah dire un jour à un flic, "retourne en France, ici c'est la Bourgogne" ! rien que pour cela l'indépendance mérité d'être défendue.

Après les problèmes s'accumulent. Le gouvernement anglais, inquiet, passe à l'offensive, il instaure des frontières et coupe l'eau, l'électricité, et le ravitaillement. Les Bourguignons sont inquiets. Ils cherchent à élire un gouvernement, et soudain, qui voient-ils débarquer : le duc de Bourgogne ! C'est un grand type souriant, poli, distingué, qui débarque dans le bar avec ses titres de noblesse, il se présente : il se nomme Sebastien de Charolais (sic !), tout droit venu de Dijon (triple sic !!!) pour venir chercher l'héritage des ducs de Bourgogne. Aussitôt il est acclamé et lui, sans perdre de temps, repart illico aux bras d'une fille charmante.

Le duc fait honneur à l'amour à la bourguignonne

Plus tard dans le film on le voit au clair de lune en train de conter fleurette à la jeune ingénue. Son rêve est de visiter Deejôon (il faut entendre le mot Dijon prononcer avec l'accent anglais, c'est délicieux) qu'elle trouve si romantique. Le duc lui, trouve qu'il y fait un peu froid, mais il se lance quand même dans un vibrant éloge des moeurs locales, "you should see the vendanges", et de la gaieté des vignerons qui se prennent de grosses cuites.

Bon, mais enfin, je ne vais pas vous raconter tout le film, pour la simple mais excellente raison qu'il est disponible gratuitement sur internet (l'ayant su plus tôt j'aurais pu économiser 8 euros, remerciez donc le MLB qui vous fait économiser de l'argent). Le seul problème est qu'il est en anglais non sous-titré. Pour ceux qui n'auraient pas l'heur de comprendre la langue de Swift (car il n'y a aucune raison pour que ce monsieur Shakespeare exerce un quelconque monopole sur cet idiome) je vous conseille de regarder au moins la 4eme vidéo de 3'' à 4''10 la 6eme à partir de 3''20 et enfin la 8 à 3''30, pour voir au moins les scènes que j'ai mentionnées ci-dessus.

Bref, pardonnez-moi de ne pas l'avoir été, mais ce film m'a ravi au plus haut point. Il nous montre à quel point l'indépendance de la Bourgogne est facilement réalisable, et qu'elle nous conduit tout droit à une vie plus familière, joyeuse, légère, sublime et éthylique !
A présent il faut à tout prix réussir à traduire ce film en français et à le diffuser partout en Bourgogne. Quant au réalisateur, Henry Cornelius, nous lui remettrons le titre de citoyen d'honneur.
Et à présent place au film :

jeudi 9 juillet 2009

Ci git Piron, Qui ne fut rien, Sinon du moins, Un Bourguignon

Nous sommes aujourd'hui le 9 juillet et c'est l'anniversaire de mon auguste ancêtre : Alexis Piron (et celui de votre serviteur, qui tâche tant bien que mal d'être sa réincarnation).
J'ai souvent fait référence à ce génial écrivain dans mes précédentes interventions, mais beaucoup d'entre vous, fidèles lecteurs, m'ont demandé des précisions à son sujet, alors j'obtempère.
Piron n'est sans doute pas le plus grand des poètes bourguignons, mais c'est sans aucun doute le plus bourguignon des grands poètés. Toute sa vie il a roulé les R et son esprit est si contraire à celui de la France qu'il justifie pleinement nos revendications indépendantistes.

La trogne si sympathiquement familière de mon ancêtre, Alexis Piron. Pour en avoir une idée plus juste il faut l'imaginer parfaitement rubiconde et entièrement couperosée.

Piron naquit à Dijon, dans la rue qui porte aujourd'hui son nom, en 1689. Son enfance fût banale, son adolescence plate et sa scolarité médiocre. On le retrouve jeune homme à errer dans les tavernes, ou son passe temps favori est de se prendre de grosses murgeasses jusqu'à s'en faire péter le foie. Piron paraissait alors voué au destin de tout honnête bourguignon qui se respecte : mourrir d'une bonne grosse cirrhose. Et puis un jour, un de ses amis lui déclame l'une de ses compositions (tombée dans l'oubli) : l'ode à la paresse, qui célèbre la joie de "ne jamais rien foutre". Piron est aussitôt séduit. Lui aussi veut devenir poète ! Alors il cherche l'inspiration, mais en attendant d'astiquer la muse il astique d'abord son gros manche induré, puis au moment où il lâche la purée, c'est la révélation, et dans la foulée il compose son Ode à Priape.
Jamais sans doute le foutre ne fût célébré avec un tel lyrisme, une telle fougue, une telle ardeur. Jamais la littérature n'avait autant bandé. Car quand Piron se branle il n'y va pas de main morte, il répand le sperme par torrent, il éjaculte à la face de l'univers tout entier. Bourguignonement.

L'oeuvre d'un mien camarade bourguignoniste, qui fût temporairement exposée à Semur et qui rend un vigoureux hommage à Alexis Piron.

C'est peu dire que son Ode fût peu goutée par les autorités d'alors (l'époque des ducs et leur licence était bien loin) mais le président Bouhier lui accorda sa clémence et étouffa l'affaire. Il portera ensuite toute sa vie ce chef d'oeuvre comme un fardeau. Ses enemmis auront beau jeu de déterrer cette poésie de jeunesse pour lui interdire les honneurs et lui clore l'accès à l'académie française. Tous ses biographes lui en feront également grief. Sainte-Beuve lui même, pourtant bon connaisseur de la littérature bourguignonne, ne peut s'empêcher de l'accabler de pesantes capucinades. Et pourtant il n'y pas là de quoi rougir, bien au contraire, il y a de quoi envoyer la sauce blanche. Ce poème est sans aucun doute son chef d'oeuvre et, je tiens à l'affirmer, c'est l'un des sommets de la culture bourguignonne, qu'il faut lire, relire et apprendre par coeur. Personnellement, depuis que je l'ai lu, je ne peux plus m'adonner à ces plaisirs solitaires sans avoir une pensée pour le brave Piron, et il m'arrive souvent, en foutant, de me réciter quelques uns de ses vers immortels.

Piron d'ailleurs, ne fit jamais vraiment mieux. Il écrivit certes quelques poésies équivoques assez plaisantes, mais pour gagner sa vie il consacra la majeure partie de son oeuvre au théâtre comique, genre qui a excessivement vieilli et qu'on ne goute plus guère de nos jours.

Mais au delà de ses vers, c'est surtout le personnage lui-même qui marqua durablement les esprits. Piron est un esprit trucculent, jamais à court de bons mots bien assassins. Et la cible privilégiée de ses épigrammes fut précisément Voltaire, c'est-à-dire la France. Car Voltaire est l'incarnation de l'esprit français, ce n'est pas pour rien qu'il git au Panthéon, c'est un rationnaliste, un modéré, un extrêmiste du juste milieu, un tempéré radical que tous les excès effraient, en un mot c'est un Philinte. Piron au contraire incarne la Bourgogne a la perfection, il est volontiers outrancier, il est bonhomme, plein de verve, de gaillardise et rit de tout.
Le vrai visage de l'esprit français : malingre, pâle, étriqué, cruel et fourbe.

Ces deux personnages se détestèrent dès leur première entrevue. Piron vint s'asseoir à côté de Voltaire qui grignotait un morceau de pain sans lui adresser la parole. Piron, pour souligner son impolitesse sortit une bouteille de vin (sic) et la but à même le goulot.
- Monsieur, lui dit le rachitique petit français pour se justifier, je sors d'une maladie qui m'a laissé avec le constant besoin de manger.
- Monsieur, lui rétorqua Piron, moi je sors de Bourgogne et elle m'a laissé avec le constant besoin de boire.

Avouez que c'est envoyé n'est-ce pas ? En dans les dents en plus.

Une autre fois Piron croisa Voltaire à la sortie d'une de ses pièces qui eut un certain succès.
- Heh bien lui dit Voltaire, vous m'aviez prédit que cette pièce serait sifflée et il n'en fut rien.
Piron réplique : - quand on baille, peut-on siffler ?

Et vlan ! Un autre camouflet en pleine poire.

Je pourrais citer cent traits du même tonneau, tous aussi cinglants les uns que les autres, mais l'essentiel est que chacun ait compris en quoi ces deux hommes illustrent à merveille toutes les différences qui existent entre la France et la Bourgogne.
Piron finit sa vie seul, pauvre et aveugle, tandis que Voltaire fut porté en triomphe an Panthéon.
On cite souvent à son sujet, son épitaphe, qu'il composa lui-même : "ci-git Piron qui ne fut rien, Pas même académicien", je vous donne ici une autre de ses oeuvres tardives, moins connues, mais qui résume tout l'esprit bourguignon :

Travaille sans songer au gain
Ne sois intéressé ni vain
Aime, ne hais ni ne dédaigne
Sois ivre et gai, bois de bon vin
Ta vie, arrivée à sa fin
Aura valu plus qu'un long règne.

Ici, un autre de ses testaments.

Bon voyage Piron et bon anniversaire !